« Après la violence faite aux Gilets Jaunes, le mouvement social qui s’exprime actuellement contre la réforme des retraites subit les mêmes violences d’un pouvoir et d’un président monarque qui cherchent une victoire historique. La mobilisation actuelle porte un enjeu politique au-delà des revendications sociales des retraites : la victoire ou la défaite d’un libéralisme autoritaire associant, Etat policier, démocratie faible et marché sauvage » Ce n’est pas nous qui l’écrivons, mais Edwy Plenel dans son article titré « Tout arrêter pour les arrêter » du 9 janvier 2020.
La question est de comprendre de quoi il retourne et de connaître le biberon idéologique avec lequel a été nourri Macron.
Le mouvement des Gilets Jaunes parti d’une revendication d’égalité et d’une meilleure répartition des richesses a dévoilé la « violence sociale du pouvoir » qui n’a eu de cesse de faire appel à une répression policière d’une extrême violence, laissant entrevoir l’intransigeance avec laquelle il allait traiter les mouvements sociaux qui tenteraient de faire obstacle à sa volonté de miner toutes « les protections conquises par le monde du travail. » Perdre cette bataille des retraites, c’est laisser le champ libre à la contreréforme menée à marche forcée par le tout puissant Macron qui ne lâchera rien car il sait que la victoire aura pour effet d’étayer durablement "l’ordre du libéralisme qui fait la part belle aux nantis et aux privilégiés…Nous vivons le programme théorisé il y a une trentaine d’années par les auteurs du rapport de la Crise de la démocratie*: à savoir la mise en place d’une démocratie restreinte et limitée. Ce qui se comprenait par la nécessité d’empêcher toute contestation et toute remise en cause de l’action de l’Etat afin que celui-ci puisse protéger et chaperonner les intérêts économiques qui s’en sont emparés."
« Ce libéralisme autoritaire est un projet de société qui va au-delà des seuls abus de pouvoir de l’État, dont les violences policières sont l’emblème le plus manifeste. Ayant le désir de rendre irréversible sa domination, le monde des affaires entend « se rendre soi-même ingouvernable pour mieux gouverner les autres », résume Grégoire Chamayou. La politique néolibérale, explique le philosophe, en ce qu’elle pratique la dérégulation, notamment du droit du travail, renforçant le pouvoir de l’employeur dans la relation contractuelle, en ce qu’elle précarise et insécurise les travailleurs, affaiblissant leur rapport de force, réduisant leur capacité de refus, leur liberté, en ce qu’elle favorise l’accumulation des richesses, creusant les inégalités, exacerbant par là plus encore les opportunités de subjugation de tous ordres, implique un raffermissement des autoritarismes privés. C’est en ce sens-là aussi que le libéralisme économique est autoritaire, au sens social et pas seulement étatique. »
Cette question démocratique n’est pas réservée au niveau national, elle se pose aussi aux différents échelons locaux, partout où des intérêts particuliers ou économiques s’emparent du pouvoir.
Dans toutes les villes et villages cet enjeu sera ainsi présent lors des prochaines municipales et les électeurs devront s’interroger sur qui veut prendre le pouvoir et pourquoi ?
Difficile, en effet prétendre être à la fois macronien ou libéral, soutenir l’action du gouvernement et prétendre pour sa ville, être quelqu’un d’indépendant au service du seul intérêt de la commune. Le projet de société que l’on veut d’un côté ne peut être différent de celui que l’on veut de l’autre à moins d’être atteint d’un dédoublement de la personnalité. Notre conception du monde ne change pas selon à qui ou à quoi on fait face.
Ainsi se contenter des effets d’annonce comme d’intentions ou d’une communication bien faite ne suffit pas pour décider de son vote. En premier lieu il convient d’analyser de façon fouillée les bilans quand il y en a : ceux-ci sont souvent assez révélateurs de l’idéologie qui prévaut aux choix qui ont été faits jusque-là .
En second, si on prétend vouloir lutter contre l’autoritarisme et les inégalités, il est préférable d’analyser les contenus des programmes avec une grille de lecture intégrant les questions du temps démocratique. Pas si simple car plusieurs facteurs rentrent en jeu et en particulier l’intérêt général et la manière dont celui-ci se construit avec les habitants, seule manière possible pour eux de s’approprier les prises de décision et de leur donner un authentique pouvoir.
Le « je décide pour vous parce que moi je sais et que vous (sous-entendu, pauvres couillons), vous ne savez pas » est la première démonstration de cet autoritarisme anti-démocratique consistant à dépouiller l’autre de tout pouvoir et de le renvoyer comme un malpropre à sa soi-disant incompétence.
Ce qui équivaut à dévitaliser petit à petit la démocratie et ce faisant à l’affaiblir comme à la désarmer contre le pire.
Les intérêts à l’échelon local existent bel et bien et divergent souvent. Portés par des groupes sociaux, ils fondent sans qu’on s’en rende forcément compte nos rapports à l’espace, au temps, et tout ce qui touche à notre quotidien.
*https://www.mediapart.fr/journal/france/090120/tout-arreter-pour-les-arreter
Photo (transformée) du journal humanité